La formation continue valorise les compétences des professionnels et permet ainsi d’améliorer la qualité de services. Elle trouve tout son sens quand elle adresse des secteurs professionnels qui font face à des carences aigues en personnel, comme celui de la petite enfance. Le manque de personnel qualifié est tel que le gouvernement a dû l’année passée se résoudre à baisser les exigences en matière de diplôme pour exercer dans les EAJE (Etablissements d’Accueil du Jeune Enfant). Dans ce cadre, le bon fonctionnement de la formation continue du personnel de crèches peut-être jugée critique pour la santé du secteur.
Baisse soudaine et inexpliquée du budget alloué à la formation continue
Les employeurs financent généralement les formations continues de leurs équipes à l’aide de financements publics gérés par les Opérateurs de Compétences (OPCO). La majorité des EAJE privés de moins de 50 salariés est affiliée à l’OPCO des entreprises de proximité (OPCO EP), les autres l’étant à Uniformation.
Mais cette année, pour OPCO EP, le budget initial prévu pour 2023 a été récemment révisé à la baisse par France Compétences (l’autorité nationale de financement et de régulation de la formation professionnelle et de l’apprentissage), avec un écart de 43 millions d’euros, soit 123 millions d’euros au lieu des 166 millions attendus. La raison de cette baisse se trouve dans le nouveau mode de calcul des budgets. Jusqu’à présent, la dotation pour chaque OPCO était établie à partir du nombre de salariés affiliés. Mais cette année, un nouveau décret rebat les cartes : c’est en prenant uniquement comme référence le nombre d’équivalents temps plein que le nombre d’affiliés est passé de 3 à 2,2 millions. Raison pour laquelle l’OPCO EP se retrouve rogné d’une grande part de ses financements. L’OPCO EP n’ayant été notifié de ce nouveau budget par France Compétences qu’en avril 2023, les formations de nombreux secteurs sont mises à mal.
Pour 2023 et les années à venir si la situation perdure, les structures de la petite enfance et les organismes de formation liés devront composer avec un tiers de budget en moins. En juin 2023, la branche de la Petite Enfance a presque déjà écoulé la totalité de ses fonds, et voit la formation de ses professionnels gelée !
En fonction des défis du secteur, que les politiques ne semblent pas ignorer au vu des annonces faites le 1er juin 2023 par Madame la Première Ministre (pour mémoire : 200 000 places en crèche d’ici 2030 et plus de 5 milliards d’euros d’ici 2027 pour les financer), cette coupe budgétaire massive semble assez peu cohérente… Construire des EAJE est une chose, les équiper de professionnels talentueux en est une autre !
L’importance des compétences chez les professionnels de la Petite Enfance
On parle ici de métiers qui vont bien au-delà du simple fait de garder des enfants, changer des couches, donner à manger ou proposer une sieste… La mise à niveau des compétences n’est pas une option quand il s’agit de rester à jour sur les différentes pédagogies dans des environnements où les jeunes enfants sont de plus en plus stimulés. Pas non plus une option quand il s’agit d’avoir les bons gestes ancestraux pour calmer et rassurer un enfant pris par les pleurs… Idem pour la relation avec les parents qui demande plus que de dire « il a passé une bonne journée ». Historiquement, les EAJE étaient plutôt centrés sur le soin du jeune enfant. Le secteur mobilise désormais nettement plus de compétences. Constat encore renforcé si on envisage les qualités nécessaires à l’administration et l’économie de structures privées comme les micro-crèches…
Les professionnels de la Petite Enfance occupent ainsi une place prédominante dans la construction des adultes de demain. L’exigence de pédagogie a du sens quand il s’agit d’accompagner des enfants qui quittent les EAJE à 3 ans…
La formation continue des professionnels est ainsi un élément central pour le bien-être des jeunes enfants accueillis en EAJE. Mais se former, c’est également une reconnaissance professionnelle, une possibilité et une opportunité d’évoluer, de s’améliorer, de grandir, de prendre confiance en soi. Le sujet des compétences peut être mis en regard des enjeux de (re)valorisation des métiers de la petite enfance, nécessaire pour déclencher des vocations, attirer et retenir les talents.
Si la situation n’évolue pas sur le front de l’amélioration des compétences, une dégradation de l’accueil au sein des EAJE est à redouter. Le manque de valorisation engendrera un manque de personnel qualifié pour occuper les postes de terrain exigeants. Les jeunes enfants ont absolument besoin d’être accompagnés par des adultes formés, compétents, qui savent identifier tous leurs besoins et y répondre de manière adaptée. Il est urgent de rétablir l’accès à de la formation continue, pour répondre aux enjeux d’un secteur qui à bien des égards relève de l’entreprise à mission.
Crèche’n’do Rencontres