Un enfant qui ne va pas vers les autres et ne veut pas participer aux activités…celui qui ne veut pas dire bonjour… celle qui préfère passer son temps dans le coin « livres » …
Pourquoi certains enfants sont-ils décrits comme « timides » ?
Prenons un moment pour y réfléchir.
Comment définir ce qu’est la timidité ?
Si on reprend la définition de départ, être timide correspondrait à « manquer d’aisance et d’assurance dans ses rapports avec autrui ».
Si pour certains cette réserve à s’inscrire dans la relation à l’autre semble ancrée dès les premières interactions, pour d’autres il apparaît que cela se façonne au fil du temps.
C’est CE moment où, en tant que parent ou professionnel, on pose notre regard sur l’enfant un beau jour et que l’on prend conscience qu’il ne va pas vers l’autre avec spontanéité, plaisir et envie. C’est CE moment où il reste en retrait dans les temps de partage avec le groupe d’enfants ou bien même CE moment où il doit dire « bonjour » à la voisine qui attend impatiemment « parce que sinon ce n’est pas poli » …
Arrêtons-nous là un instant.
Dire bonjour, faire un bisou, dire merci, tout cela appartient au champ de compétences psycho-sociales qui nécessite un apprentissage. Cela prend du temps.
Les premières années de vie, l’enfant est concentré sur sa construction identitaire propre : qui je suis ? Comment je me situe dans mon environnement ? Quelles sont mes limites et celles des autres ?
Timidité et construction identitaire
S’inscrire dans l’altérité n’est pas chose aisée contrairement à ce que la société pourrait nous faire croire.
Car effectivement, être « pro social », être à l’aise en groupe et avenant en toute circonstance est vu comme une qualité.
Alors quand l’enfant ne veut pas dire bonjour, il s’agit un instant pour l’adulte de soutenir que, dans le regard de l’autre (qui vient précisément de se prendre un « vent », un « râteau », soyons clair) il y a cette lueur qui dit « cet enfant est un timide » et que donc nous n’avons pas fait notre job en termes d’éducation…
Sauf que l’enfant a besoin de temps pour entrer en contact, il a besoin de construire cette flexibilité qui lui permettra progressivement d’aller vers l’autre sans craindre de se perdre lui.
Donc, il semble parfois plus s’agir d’un empêchement tout à fait adapté compte tenu du jeune âge de l’enfant que d’une véritable réticence au sens où l’enfant dit « timide » peut tout à fait avoir envie d’établir des liens avec les autres et d’interagir. Mais qu’il a besoin qu’on lui laisse le temps.
Construire du lien avec l’enfant, c’est lui permettre de se penser comme acteur de la relation. Il est donc nécessaire de lui laisser le libre choix de la distance relationnelle qu’il a besoin d’installer avec nous au départ, et lui permettre de s’approcher doucement, progressivement… Et de pleinement ressentir que nous respectons son espace identitaire.
Timidité et estime de soi
Pour soutenir la relation à l’autre, y prendre plaisir, encore faut-il être équipé d’une estime de soi suffisamment positive qui permet de s’autoriser à prendre le risque d’exister dans le regard de l’autre.
Évoluer dans un environnement sécure et bénéficier de figures d’attachement bienveillantes autorise à partir en exploration, l’exploration d’un monde inconnu : celui de l’autre.
Alors effectivement, parfois l’enfant est empêché parce qu’il n’est pas encore disposé pour cela. Et cela fait partie de son rythme de développement même s’il aurait été moins inconfortable pour nous de ne pas avoir à justifier le moment où un adulte plus ou moins maladroit lance tout fort tout haut « MAIS IL FAIT SON TIMIIIIIDE !!! », rajoutant une bonne dose de malaise supplémentaire là où il était déjà compliqué pour l’enfant de faire avec…
Non, l’enfant n’est pas timide. Il n’est pas prêt ou n’a peut-être juste pas envie et il a encore la primeur à son âge de pouvoir le manifester haut et fort en refusant de s’approcher de celui qui vient dire bonjour parfois sans ménagement.
Cela ne vous est-il pas déjà arrivé à vous, de ne pas avoir envie de saluer telle ou telle personne car vous êtes pris sans autre chose ? L’enfant lui, a peut-être juste l’honnêteté de l’exprimer…
Vous l’avez compris, être pro-social est un comportement à développer. Avoir une bonne estime de soi aussi, cela se construit dans le temps et donc, aller vers l’autre sans résistance demande à ce que cette estime de soi se soit un tant soit peu façonnée.
En tant que parent ou professionnel de la petite enfance, notre responsabilité est de permettre à l’enfant de développer une vision positive de lui, une confiance en lui suffisamment installée pour s’autoriser à prendre quelques risques, et notamment le risque de la relation à l’autre.
Si cette timidité dure dans le temps, il peut être opportun de venir interroger ces assises narcissiques fondamentales.
Il peut être aussi intéressant de nous dire que chaque enfant nait avec son propre tempérament. Cela l’amène à se tourner spontanément vers les coins calmes, les jeux solitaires et à se montrer plus serein dans ces univers où l’autre ne prend pas trop de place.
Être seul sans se sentir seul : C’est une vraie compétence et un gage de sécurité interne.
Balayons donc nos certitudes d’adultes prosociaux :
Non, tous les enfants ne sont pas motivés et dans les starting-blocks quand il s’agit de se mêler à la « foule » d’enfants qui gravitent autour d’eux. L’enfant est naturellement tourné vers l’environnement, c’est d’ailleurs un besoin vital pour lui d’explorer le monde.
Mais certains préfèrent jouer seul, rêver, explorer de leur côté… ces enfants-là parfois interpellent. Et pourtant, certains de ceux-là vont bien ! Entre la timidité et un tempérament un peu solitaire, il n’y a qu’un pas .
Serait-ce alors notre regard d’adulte qui serait à déplacer ?
Derrière la timidité, c’est donc tout un univers à venir interroger, propre à chaque enfant et qui renvoie à sa construction identitaire, son estime de lui, son tempérament, ses compétences sociales, mais aussi et surtout à la façon dont notre regard d’adulte se pose sur lui !
Et vous ? Aimez-vous toujours être entouré d’autres personnes et interagir à chaque instant ?
Delphine Théaudin
Psychologue clinicienne & psychothérapeute